đŸ‡«đŸ‡· RĂ©silience et coopĂ©ration

Un autre modèle pour le jeu vidéo indépendant

Hello Ă  tous,

J’espĂšre que vous allez bien !

đŸŽ” Avant de dĂ©marrer la lecture, mettez vous dans l’ambiance et allumez donc Fred again.. - Rooftop Live (Arun’s Roof, London), c’Ă©tait le diamant dans mes oreilles pendant l’Ă©criture de cette lettre.

C’est bon ? Alors c’est parti 🙂

Dans mon article prĂ©cĂ©dent, Rethinking collaboration models, je parlais dĂ©jĂ  vaguement des tiers-lieux comme d’une solution pour l’industrie vidĂ©oludique, je vais ici essayer d’Ă©tayer mon propos et d’imaginer une construction possible pour le futur. N’étant aucunement Ă©conomiste, prenez ceci avec des grosses pincettes, des pinces quoi !

L’industrie du jeu vidĂ©o

La nouvelle crise

Vous n’ĂȘtes pas sans savoir que, depuis 2022, l’industrie du jeu vidĂ©o ne se porte pas bien, mais alors pas bien du tout. Enfin, uniquement sur le plan social, parce que niveau revenus, c’est toujours la fĂȘte. Konbini en a fait un petit rĂ©sumĂ© rĂ©cemment.

Les causes de cette Ă©niĂšme crise sont multiples : taux d’intĂ©rĂȘts historiquement haut, investissements nĂ©cessaires grandissant, temps de dĂ©veloppement de plus en plus long et rĂ©ajustement des usages Ă  la sortie de la crise COVID.

Au final, lĂ  oĂč le capitalisme cherche le profit Ă  toujours plus court terme, on a l’impression que les besoins de l’industrie du jeu vidĂ©o, notamment des grosses productions, sont complĂštement Ă  contre-courant.

Des petits jeux

La solution paraĂźt donc Ă©vidente : allons vers des productions plus petites, qui demandent moins d’investissements, donc moins de risques, et dont on peut rĂ©colter les fruits plus rapidement. Plusieurs dĂ©veloppeurs prĂŽnent cette solution, notamment le crĂ©ateur de Minami Lane, ici en anglais sur reddit :

La plupart des jeux ne se vendent pas. Lorsqu’un Ă©diteur investit 300k dans un petit jeu indĂ©, il ne pense pas rĂ©ellement que ce jeu ait une grande chance de rapporter plus de 300k. Il croit que parmi les 10 jeux qu’il a signĂ©s, l’un d’eux va exploser et compenser tous ceux qui n’auront vendu que quelques exemplaires. En tant qu’indĂ© ou petite Ă©quipe, vous prenez le mĂȘme risque. Et si vous devez faire 10 jeux pour lisser ce risque, c’est bien plus faisable si ces jeux prennent 3 mois Ă  rĂ©aliser plutĂŽt que 3 ans.
— Traduit de la publication reddit de u/GoDorian

Je suis complĂštement d’accord avec eux et j’aimerais mĂȘme aller un plus loin et voir comment on pourrait amĂ©liorer encore cette rĂ©silience. PlutĂŽt que de lisser le risque sur 10 jeux, ne pourrait-on pas s’associer avec des porteurs de projets diffĂ©rents, et attĂ©nuer les risques de chacun sur, par exemple, 3 jeux, deux projets agricoles et un projet de co-living ?

Vers un autre modĂšle

Coopérer

Cette diversitĂ© d’activitĂ©, on peut notamment la trouver dans les tiers-lieux, ces espaces partagĂ©s, dans lesquels coopĂšrent des citoyens engagĂ©s. Il en existait 3500 en France en 2023 selon France Tiers-Lieux, avec une projection Ă  5000 pour 2025.

La rĂ©silience n’est pas inhĂ©rente Ă  l’espace lui-mĂȘme mais, si celui-ci propose un atelier d’artistes, un laboratoire partagĂ©, un espace d’expĂ©rimentations agricole ou encore d’accueillir du public, il va attirer et mĂ©langer des projets diffĂ©rents qui pourront, selon le cadre lĂ©gal choisi, lisser le risque encouru par chacun. Cette coopĂ©ration favorise Ă©galement la crĂ©ativitĂ©, chacun s’inspirant des diffĂ©rentes disciplines prĂ©sentes.

Dans l’interview d’Eloi Laurent, par Paloma Moritz, qui revient sur son livre CoopĂ©rer et se faire confiance par tous les temps, il est question de l’importance essentielle de la coopĂ©ration. Pour l’Ă©conomiste c’est mĂȘme, avec la SantĂ©, l’un des deux besoins humains fondamentaux. Il la dĂ©finit comme la capacitĂ© unique des ĂȘtres humains Ă  s’associer pour rĂ©aliser des dĂ©sirs et satisfaire des besoins, dans le temps long, au-delĂ  d’un rapport coĂ»t bĂ©nĂ©fice.

La santĂ©, au fond, c’est ce qui nous relie Ă  tous les autres vivants. La coopĂ©ration, c’est ce qui nous en distingue.
— Eloi Laurent

CoopĂ©rer, ce n’est pas simplement collaborer pour produire. Ce n’est pas simplement une opĂ©ration Ă  somme nulle qui reviendrait Ă  Ă©changer son temps contre de la valeur. C’est construire ensemble des solutions Ă  diffĂ©rents problĂšmes, oĂč chacun repart avec plus que ce qu’il a apportĂ©, que ce soit de la stabilitĂ©, de l’inspiration, ou simplement de la matiĂšre Ă  rĂ©flexion.

Une construction sociale durable

En en parlant autour de moi, on m’a opposĂ© Ă  ce partage des risques par la coopĂ©ration la diffĂ©rence de valeur entre des activitĂ©s. “Pourquoi le dĂ©veloppeur qui sort un hit devrait gagner autant que celui qui n’en a pas eu ?". Ma rĂ©ponse primaire c’est de dire qu’il n’en a pas encore eu, et que, avec un peu de chance, le second en sortira un encore plus gros.

Mais en fait ce n’est pas le sujet. En ayant ce genre de discours, on Ă©value la valeur du travail avec celle du produit final. Hors, la valeur devrait ĂȘtre Ă©valuĂ©e par l’acte lui-mĂȘme du travail et mĂȘme plus encore, attachĂ©e Ă  la personne mĂȘme qui effectue le travail.

Cette idĂ©e n’est pas de moi, c’est le principe du salaire Ă  la personne de Bernard Friot : Ă  partir de la majoritĂ©, chacun aurait le droit Ă  un salaire Ă  vie, en fonction de son grade, peu importe son travail. Je vous invite Ă  regarder son interview par SalomĂ© SaquĂ© portant sur Le communisme qui vient, son nouveau livre coĂ©crit avec le philosophe Bernard Vasseur.

Les sociétés coopératives de production

On peut s’inspirer du salaire Ă  la personne pour penser un nouveau modĂšle de rĂ©munĂ©ration dans une entreprise. On pourrait ainsi dĂ©finir des grades dans les statuts et le conseil d’administration pourrait revisiter annuellement le salaire qui leur est liĂ©, et dĂ©terminer quels sont les employĂ©s Ă©ligibles Ă  une Ă©volution de grade.

Pour que ce soit juste, chaque employĂ© devrait pouvoir prĂ©tendre Ă  une voix, et une seule, au conseil d’administration, et personne d’autre. Il existe dĂ©jĂ  des entreprises avec des gouvernances similaires : les scops ou sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives de production.

Dans la masterclasse de Bastien Sibille, on apprend que l’ensemble des coopĂ©ratives reprĂ©sentent plus de 10% du PIB de la France en 2022 et, qu’en plus d’ĂȘtre dĂ©mocratiques, elles prĂ©sentent un autre avantage non nĂ©gligeable : les dividendes octroyĂ©s aux sociĂ©taires y sont limitĂ©s, en effet, la loi impose que 57,5% du rĂ©sultat net soit affectĂ© aux rĂ©serves impartageables.

Ce modĂšle remet la gouvernance de l’entreprise, des moyens de production, dans les mains des employĂ©s, ce qui permet, selon moi, de rĂ©pondre aux incertitudes de notre Ă©poque.

À celle du temps court, du besoin immĂ©diat, de la nourriture et de l’énergie, qui a dĂ©butĂ© avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on y rĂ©pond par un salaire Ă©gal pour tous, exempt du vampirisme des actionnaires. On y rĂ©pond par une plus grande rĂ©silience, une production diverse et locale et la coopĂ©ration de tous.

À celle du temps long, de la projection dans l’avenir et de l’apocalypse climatique qui vient, on y rĂ©pond en donnant aux travailleurs le choix de leur action, et de pouvoir diriger leur entreprise vers l’avenir auquel ils aspirent.

Conclusion

Pour conclure, j’aimerais revenir sur les tiers-lieux, car se sont aussi de formidables lieux de transmission. Accueillir du public, notamment des Ă©coles, peut ĂȘtre un excellent moyen de faire dĂ©couvrir les mĂ©tiers reprĂ©sentĂ©s, mais Ă©galement de montrer qu’une autre construction sociale est possible, qu’elle fonctionne et qu’elle existe mĂȘme prĂšs de chez-eux.

Je suis certain que la coopĂ©ration est la clĂ© d’une rĂ©silience gĂ©nĂ©ralisĂ©e, mais aussi que d’autres modĂšles sont Ă  explorer. N’hĂ©sitez donc pas Ă  me partager vos retours, vos suggestions et vos pistes de rĂ©flexion, je les attends avec impatience !

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout !

À trùs vite, Thibaud

#economy